Les émotions, les états d’âme ne font pas partie du vocabulaire de l’entreprise.
Mais l’entreprise est bien sûr aussi un lieu d’expression d’affects. Même s’ils s’en protègent, tous les salariés peuvent être altérés par des émotions négatives : frustration, dépendance affective à la reconnaissance, difficulté à s’affirmer, difficulté à dire non ou à négocier des délais, des demandes, des exigences...
Si les émotions négatives ne sont pas gérées ou ignorées, cela peut avoir deux conséquences
- Ces émotions engendrent des comportements ni sains ni appropriés. Les situations qui en découlent sont-elles de nature à améliorer la productivité de l’organisation ? Certes non ! Tout le monde sait que les résultats qui s’obtiennent sous la pression ou le stress négatif, la culpabilisation et la remise en justification permanente ne durent qu’un temps. Ces situations engendrent souvent frustration, turn-over, absentéisme, démotivation et non-implication.
- Le comportement défensif est un moyen inconscient pour se protéger contre la présence d’émotions désagréables qui émergent du processus relationnel réel ou imaginaire. L’objectif est de se couper de ses émotions pour ne pas les sentir. Derrière il y a aussi la peur de se montrer avec ses sentiments. L’émotion non gérée induit le comportement défensif.
Le processus est le suivant
Un évènement déclencheur fait naître une émotion désagéable. Si l'émotion n'est pas reconnue, écoutée et exprimée faute de conscience ou de temps, un comportement défensif va naître. Il peut se retourner contre soi ou contre l'autre.
Contre soi | Contre l’autre |
Fuite Autopunition Pouvoir sur soi Refoulement de l’émotion : ressentiment et désir de faire mal | Jugement – Accusation- Interprétation- Confluence- Reproche- Prise en charge Punition- morale- Rationalisation – Pouvoir sur l’autre |
Les émotions sont au cœur des comportements défensifs si courant dans l’entreprise. Améliorer le contrôle de ses émotions, ce n’est pas les dissimuler, mais augmenter ses capacités à les repérer, à les exprimer et accepter les pertes de contrôle émotionnel. Exprimer ses ressentis avec bienveillance sans être dans une attitude offensive ou défensive permet de réguler les relations interpersonnelles et d’introduire une dose d’intelligence relationnelle.
Quand l’émotion est négative, non écoutée et non dite, elle déclenche automatiquement le comportement qui a déjà permis dans le passé de réduire cette émotion ou d’inhiber les comportements qui pourraient l’augmenter. Il y a superposition de 2 mécanismes : un automatisme –émotion- et un choix de comportement déclenché par l’automatisme, comportement qui doit le plus favorablement possible influencer l’évolution de l’émotion. L’émotion induit un choix de comportement qui permet de diminuer ou d’éliminer le vécu désagréable.
Les émotions interviennent à 3 niveaux de nos comportements :
- Elles induisent des comportements réflexes sans participation des fonctions intellectuelles.
- Elles participent aux processus automatiques qui utilisent les fonctions intellectuelles sans qu’il existe de prise de conscience préalable.
- Dans les processus contrôlés, l’émotion vient favoriser et pondérer les prises de décisions.
Le souci d’un contrôle des émotions à court terme est un obstacle au changement. Il ne favorise pas les choix de comportements qui augmentent l’incertitude.
A un niveau macro-économique, pour éviter l’émotion, la subtilité est de rester dans le court terme, le nez dans le guidon ainsi on va sans cesse vers une meilleure maîtrise de la technique, vers l’expertise. La perception progressive d’un meilleur contrôle de la situation permet un coût réduit sur le plan émotionnel.
Pour sortir des réactions défensives et retrouver l’énergie de la création, - il est nécessaire de prendre conscience de l’émotion et l’identifier. CREATION anagramme de REACTION ! La réaction n'a rien à voir avec la réalité, elle ne concerne que la perception de la réalité, fondée sur l'expérience des autres ou sur un événement de son passé. La réaction, c'est se tenir à l'extérieur de l'instant et le juger puis réagir (agir comme si je l'avais déjà fait), la création, c'est rester dans l'instant en ignorant son expérience antérieure, en restant dans le présent pour apprendre à se connaître.
Ne pas reconnaître l’émotion, la vraie, c’est être sous son emprise. Les émotions influencent les représentations que l’on a de la réalité et donc introduisent beaucoup d’irrationnel dans les décisions. Les décisions prises par les hommes et qui vont dans le sens d’une destruction de sens et d’éthique ne seraient-elles le reflet des émotions négatives et lourdes enkystées chez les décideurs ? Un exemple : si je suis inquiet, mon anxiété va influencer ma décision. Si l’émotion n’est pas exprimée, elle aveugle. Oser venir rencontrer son émotion et s’interroger contribuera à asseoir sa sécurité ontologique et à travailler ses peurs.
Un collaborateur vient me voir avec sa charge émotionnelle, pour que je lui donne la solution à son problème. Je suis son manager. L’émotion est toujours présente quand il y a un enjeu. Je me plonge dans l’action pour décider vite, le chef sait. Je vais fuir la charge émotionnelle souvent inconsciente (peur de perdre le client par exemple…) L’émotion est refoulée par des attitudes de décision/action. Cette fuite en avant dans l’activisme verra un retour de bâton qui se manifestera par un retour de l’émotion dès que j’aurai cessé d’agir. D’où le ‘’toujours plus’’ et l’accélération constante du train de la vie réactive.
Le rôle du manager n’est pas d’attendre que l’autre soit ce qu’il voudrait qu’il soit, mais de l’accompagner dans un processus d’intelligence émotionnelle et relationnelle à devenir ce qu’il est ou qu’il souhaite lui-même devenir.